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françois hollande - Page 2

  • Hollande, à la recherche du chemin introuvable

    La situation française est grave, mais est-elle désespérée ? C'est la question qui se pose alors que François Hollande démarre sa seconde année de quinquennat. Lors de sa seconde conférence de presse, il a indiqué qu'il entendait mobiliser le pays notamment contre le chômage, en avançant elysée,françois hollande,nicolas sarkozysur la voie d'une plus grande intégration européenne. L'idée en soi est plutôt bonne, tant il est vrai que la solution à la récession qui s'installe sur notre continent ne peut venir que de l'activation de mécanismes de cohérence interne et de solidarité entre les pays membres. Pour autant, dire cela suffit-il à indiquer un chemin ?

    On a souvent dit et écrit - de façon erronée - que François Hollande n'avait pas de cap. Pourtant, le cap économique est assez clair (réduction des déficits en douceur et des réformes du marché du travail négocié entre partenaires sociaux), mais ce qui manque à l'approche élyséenne, c'est de préciser le chemin qui permet d'atteindre le cap. D'où cette impression de flou et de manque de détermination qui caractérise le gestion hollandaise du pouvoir.

    Dans cette affaire européenne, on a du mal à voir pourquoi et comment le même scénario d'une forme d'impuissance ne se reproduirait pas. Là encore, ce n'est pas l'objectif qui pose problème - même s'il ne fait pas plaisir aux eurosceptiques permanents à droite comme à gauche - mais bien l'absence de chemin qui peut amener à sa réalisation. Pour quelles raisons l'Allemagne se mettrait-elle à accepter ce gouvernement économique resserré alors même que la condition mise par ce pays (la réduction des déficits budgétaires, notamment en France) n'est absolument pas remplie ? Par quel miracle la Commission européenne changerait-elle sa doxa libérale ? Comment des pays très affaiblis comme la Grêce et l'Espagne, entre autres, peuvent-ils revenir dans le jeu européen ? Par quel mystère l'euroscepticisme ambiant serait-il transformé en un volontarisme permettant d'avancer dans la voie d'une intégration. Sur toutes ces questions, on n'a rien entendu de très convaincant de la bouche du Président. Celui-ci parie essentiellement sur des discussions avec ses homologues pour avancer, mais pourquoi la méthode de la discussion par le haut marcherait maintenant alors qu'elle a globalement échoué depuis des mois et des mois.

    Encore une fois, François Hollande donne le spectacle d'une forme d'impuissance. Il a elysée,françois hollande,nicolas sarkozyl'honnêteté - à la différence de son prédécesseur - de ne pas noyer le poisson dans un déluge d'annonces et d'effets de communication. L'homme est sobre et d'une certaine manière, honnête. Il ne déclenchera pas de sentiment de haine, comme a pu le susciter Nicolas Sarkozy. Non, son risque à lui est de susciter une forme de détachement et de découragement. Le peuple de gauche, comme on disait, risque de devenir spectateur d'une gestion gouvernementale d'un classicisme assez désespérant. 

    Dans l'âme, François Hollande est resté le premier secrétaire du PS qu'il a été pendant dix ans. Sa volonté de rassembler coûte que coûte, sa peur des féodalités locales le conduisent à chercher en permanence le point d'équilibre, le plus petit dénominateur commun. Il a tendance à se couper des idées nouvelles, des groupes contestataires qui portent en germe des nouvelles façons de voir. Les calculs sont partout alors qu'il faudrait un élan, un enthousiasme ; les ministres, le Premier en tête et à quelques exceptions près, sont d'une tristesse affligeante alors que la gauche (en 1981, en 1988 et même en 1997) était habitée par une joie de la transformation sociale. L'une des clés du succès (relatif) de Mélenchon, c'est qu'il donne l'impression de vouloir soulever des montagnes, de ne pas renoncer.

    De plus, le Président est obsédé par son souci de se présenter comme l'anti-Sarko permanent. Donc, ne rien brusquer, toujours attendre le moment opportun. Sauf que le pays a déjà oublié l'épisode Sarkozy (cruelle amnésie !) au point que d'aucuns veulent rejouer un scénario à la De Gaulle (le retour de l'homme providentiel) et qu'il attend un sursaut, une volonté de prendre les problèmes à bras-le-corps. On peut pardonner au pouvoir des échecs, pas des renoncements aussi rapides, par exemple devant le pouvoir de la finance...

    François Hollande a gagné en mai dernier parce qu'il a voulu apaiser la société française et lui a proposé un cap réaliste : la baisse du chômage, la réduction des inégalités et l'évolution vers une croissance verte. Un an après, aucun de ces axes n'a avancé sérieusement et même les réformes peu coûteuses (fin du cumul des mandats) sont en panne sèche face à la levée des conservatismes. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, le problème n'est pas principalement celui des dysfonctionnements gouvernementaux (même si la question se pose parfois, notamment à Bercy), mais celui d'un capitaine qui semble tellement effrayé par la lourdeur des défis qu'il a tendance à louvoyer et à entraîner le pays dans une torpeur assez effrayante.   

  • Malaise sur la planète Hollande

    En cette rentrée politique marquée par les traditionnelles universités des partis (dont on aimerait que la fonction de formation des militants soit réaffirmée), le climat n'est plus du tout le même que celui que nous avions laissé lors de mon dernier post, fin juin. L'euphorie tranquille qui régnait, consécutive à une victoire assez large de l'alliance PS-EELV couplée avec une large défaithollande inquiet.jpge de la droite et du... Front de gauche, a laissé place à un inquiétant attentisme. La cote de popularité de l'exécutif est déjà très dégradée alors que rien de sérieux (et de très impopulaire) n'a été décidé. Que deviendra-t-elle dans deux mois si la tonalité de la nouvelle majorité se fait plus « churchillienne » avec des efforts importants, pas simplement pour les « plus riches »?

    Difficile de comprendre les raisons de ce lancinant malaise que traduit inversement le retour en grâce de Nicolas Sarkozy dont on va finir par oublier qu'il a été le Président de la république le plus détesté de la Ve (avec peut-être VGE). En effet, qui peut attendre sérieusement des résultats probants au bout de 100 jours, en partie estivaux? Rien, d'ailleurs, dans les premières décisions n'a donné lieu à un vrai cafouillage ou à des reniements. Jusque-là, les engagements ont été grosso modo respectés (on regrettera tout de même les ratés sur l'écologie avec le départ de Nicole Bricq et la gestion, au début calamiteuse car exclusivement policière, du dossier Rom).

    Non, le problème est ailleurs et il tient, à mon sens, à deux éléments majeurs. D'une part, François Hollande n'est pas encore vraiment dans les habits du Président. Ses débuts ont, il est vrai, été paralysés par les caprices de « ses » deux femmes dont les règlements de compte ont eu des effets collatéraux sur son image. Avec cette interrogation triviale, machiste à souhait, qui, pourtant a eu un impact dans l'opinion : un homme qui a tant de mal à réguler sa vie personnelle a-t-il la poigne pour conduire les affaires de la France ? Cet épisode était d'autant plus fâcheux qu'il rappelait les premiers mois de l'ancien Président empêtré dans sa relation avec Cécilia.

    D'autant plus fâcheux, dis-je, car l'obsession de Hollande a été (est?) de se démarquer totalement de son prédécesseur. Ce qui a marché à merveille pendant la campagne (même s'il n'a réuni que 52% des suffrages) se révèle un peu court une fois les mains dans le cambouis. Réduire le train de vie de l'exécutif et troquer l'avion pour le train sont des gestes plutôt sympathiques, mais qui semblent trop répondre aux exigences de la communication politique pour être totalement convaincants.

    Cette obsession à prendre le contre-pied de Sarkozy lasse à la fin car elle ne construit pas une politique. De plus, la lecture du bilan de l'ex président mériterait d'être moins caricaturale : si les Français ont rejeté le style bling-bling du « Président des riches », s'ils l'ont trouvé brouillons et éventuellement diviseurs, ils ont pu être épatés par l'énergie du bonhomme, sa capacité (pas toujours très productive) à soulever toutes les montagnes pour débloquer la crise. On pense notamment à sa présidence de l'Union europhollande bregançon.jpgéenne et son rôle de la guerre libyenne. En l'occurrence, il n'aurait pas été totalement déplacé que Hollande interrompe ses vacances à Brégançon pour essayer d'enclencher une mobilisation mondiale en faveur du peuple syrien. Si une intervention militaire est une idée assez grotesque, l'attentisme de la communauté internationale (au motif que la Chine et surtout la Russie bloquent toute résolution à l'Onu) est scandaleuse. Hollande aurait pu sonner le tocsin, il ne l'a pas fait. Dommage !

    L'autre élément qui suscite le malaise tient au manque de perspective dessiné par le nouvel exécutif. Aligner des mesures techniques (retraite, emplois d'avenir, livret A...) n'indique pas un cap, mais plus une gestion à la godille. Chaque récif est négocié souvent avec intelligence, mais cela ne donne pas une lecture claire du dessein présidentiel. Les grands choix dans notre rapport au système de protection social, à l'environnement ou à l'Europe ne sont jamais précisés.

    La mesure et le sens des équilibres qui ont fait le succès de Hollande face à une Aubry plus volontariste et un Sarkozy plus imprévisible ne peuvent être sans cesse convoqués quand il faut réfléchir pas sur les 12 mois à venir, mais préparer la future décennie de notre pays. Dans le livre du journaliste Eric Dupin (1), le responsable des études au PS, Alain Bergounioux estimait avant l'élection : « Le corpus hollandais n'existe pas, il reste à construire. C'est un grand point d'interrogation ». Six mois après, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Le corpus indispensable à l'action sur le long terme ne s'est pas bien clarifié.

    Même si le jugement de Mélenchon sur les 100 jours était, comme d'habitude, excessif, Mélenchon 2012.jpgvoire injuste, il comportait une part de vérité. Lorsqu'on fait une campagne sur le thème « le changement, c'est maintenant ! », on prépare pour les premières semaines des mesures fortes qui vont marquer les esprits. Là rien ou pas grand-chose de marquant (le rétablissement de la retraite à 60 ans pour les travailleurs ayant commencé tôt ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes). D'ailleurs, les observateurs ont noté que peu de textes étaient prêts pour la session extraordinaire au Parlement de juillet...

    Qu'est ce qui empêchait de donner un calendrier pour la grande réforme fiscale qui a toutes les chances d'être renvoyée aux calendes grecques ? Pourquoi avoir retardé à 2014 la réforme contre le cumul des mandats qui déplait tant à bien des cadres du PS et dont on voit, avec le nombre de députés-maires, l'urgente actualité ? Sur le nucléaire, pourquoi ne pas annoncer le calendrier du démantèlement de la centrale de Fessenheim ? Les dossiers n'étaient-ils pas prêts alors que Hollande est en campagne depuis près de deux ans?

    Au lieu de ménager tous les conservatismes de ce pays (et de ce parti), François Hollande devait montrer un peu de détermination et tracer une route. C'est plus facile de le faire aujourd'hui qu'en 2013 lorsque la situation risque d'être particulièrement tendue. En ce début septembre, il est encore temps de le faire. Mais il ne faut pas trop trainer. Le pays s'impatiente.     

    (1) « La victoire empoisonnée », mai 2012, éditions du Seuil. Entre septembre 2011 et l'élection de mai, le journaliste (ex-Libé) propose une plongée dans une France inquiète, désorientée, très sceptique sur la capacité de redresser le pays. « En redonnant le pouvoir à la gauche alors que la crise économique et sociale ne cesse d'empirer, les électeurs ne lui ont-ils pas offert un cadeau empoisonné », écrit-il. 

  • Nouvelle majorité : faire de bons choix !

    Voilà déjà six semaines que l'équipe Ayrault est en place. Certes, il y a eu sa version revue et corrigée avec le remaniement post-législatives, mais celle-ci est très proche de la précédente, au point qu'on peut dire que le gouvernement est en place depuis la mi-mai. Donc, il est déjà possible (même si la prudence et la retenue s'imposent) de dessiner de quelques lignes de force et de... faiblesse.

    Le remaniement du 21 juin a laissé paraître des signes qui ne traduisent pas une grande solidité. A tort ou à raison, il a été dit que la promotion à l'Environnement (suite à l'éviction de Nicole Bricq qui laisse un goût amer) de Delphine Batho (qui avait Garot + ségo.jpgsuccédé à Ségolène Royal comme députée dans les Deux-Sèvres) ainsi que l'arrivée à l'Agroalimentaire de Guillaume Garot (député-maire en Mayenne et l'ancien porte-parole de "Ségo") étaient des signes envoyés à celle qui fut la compagne du président de la République. Ces appréciations tout à fait plausibles (et assez désagréables pour les deux personnes susnommées) traduisent un vrai malaise dans la majorité.

    Depuis le premier tour calamiteux de Royal à la Rochelle, on a senti beaucoup de fébrilité du côté des proches de Hollande. D'abord, il a été assez reproché à l'ancien Président de ne pas séparer (c'est le moins qu'on puisse écrire) vie publique et vie privée pour ne pas être mal-à-l'aise face aux excès d'égard qu'on a eus envers l'ex du président. Certes, on m'objectera que c'est un personnage public avant d'être l'ancienne compagne de Hollande, mais on a bien senti que l'attention presque obsessionnelle en direction de Royal (« on te réserve le perchoir et puis, comme ça ne marche pas, les électeurs étant des imbéciles, incapables de comprendre l'intérêt supérieur de la Nation que représentait ce parachutage, on te console avec la nomination de de tes proches ») n'était pas simplement dictée par des considérations politiques. A moins que (je n'ose l'imaginer, mais il ne faut rien s'empêcher de penser) Ségo ne connaisse quelque secret dont l'entourage du président voudrait éviter la divulgation.

    Peu importe à la rigueur, mais ce mélange des genres et cette impression que décidément, les chefs d'Etat ont du mal à prendHollande + trieweiller.jpgre de la hauteur, ne poussent à la sérénité. Peut-être faut-il en prendre son parti et s'habituer à ce fait : les hommes (ou femmes) politiques sont un peu comme tout le monde, souvent empêtrés dans leurs histoires de couples et de libido. Dans ce cas-là, la Ve République, taillée pour un homme aussi exceptionnel que de Gaulle, doit être revue dare-dare, pour accentuer les contre-pouvoirs et limiter les faits du prince (ou de la princesse).

    Depuis quelques jours, le discours gouvernemental est à la rigueur tous azimuts. Il faut être de mauvaise foi (ou un éternel optimiste) pour s'en étonner. Hollande n'avait pas fait une campagne à la Mélenchon, sur le thème : on ouvre les vannes à plein tube. Il avait réaffirmé l'objectif (qui me semble totalement irréaliste dans le contexte actuel) de ramener le déficit budgétaire aux 3 % du PIB. Ce qui pose question, en revanche, c'est la compatibilité réelle entre cet objectif et des ambitions (certes mesurées, mais réelles) en matière sociale. Un exemple tout à fait récent.

    Le 28 juin, Cécile Duflot, ministre à l'Egalité des territoires et au Logement, a annoncé la fermeture de la plupart des centres d'hébergement d'urgence à partir du 1er juillet. Or, tout le monde le sait, la possibilité de trouver des solutions durables pour des gens à la rue, SDF.jpgsouvent très déstructurés, suppose de les stabiliser, d'éviter de les balloter d'un lieu à l'autre pour qu'ils ne replongent dans l'enfer de la rue. Quoi que dise la ministre, une partie de ces SDF actuellement hébergés va se retrouver à la rue, l'autre navigant d'un hôtel à l'autre (solution d'ailleurs très coûteuse). Selon des estimations assez crédibles, il fallait trouver 10 millions d'euros pour péréniser des centres d'urgence toute l'année. Et bien, manifestement, malgré les efforts de l'ex-patronne d'EELV, on ne les a pas trouvés !

    La gauche ne sera pas jugée sur ses proclamations de foi, sur ses bons mots généreux, ni sur ses gestes plutôt bienvenus (réduction du train de vie des uns et des autres, plus grande simplicité dans l'exercice des fonctions). Elle le sera sur sa capacité à redonner un cap à ce pays et à faire des choix à la fois courageux et acceptable dans le cadre contraint dans lequel nous évoluons.

    Il faut bien l'écrire : en cette fin juin, sans enterrer cette équipe (ce serait totalement loufoque), il est permis de se poser quelques questions sur la clarté des choix et sur la cohérence de l'équipe en place. L'été, même s'il va être studieux et animé (avec par exemple la fermeture annoncé de PSA à Aulnay et les nombreux plans de licenciements annoncés), doit permettre de préciser les objectifs et surtout les méthodes de gouvernement.

    En clair, après cette séquence occupée par la joie - légitime - des vainqueurs et les sautes d'humeur, moins légitimes, des « femmes » du Président, il va falloir refaire de la politique. Et, si possible avec les marges de manoeuvre ultra-limitées que nous connaissons, ne pas se tromper...

  • Nous ne sommes plus en mai 1981 !

    Ce titre en interrogera certains : comment quelqu'un qui intitule son blog d'analyses politiques « 10 mai » (1) peut-il se méfier de cette analogie historique que le journal Le Monde cite allègrmai 1981,françois hollande,françois mitterrandement dans son éditorial? Le risque, pourtant, est de rester trop imprégné du souvenir de la première victoire de la gauche sous la Ve République et de croire que l'histoire se répète...

    Points communs, 31 ans plus tard...

    Certes, tout pousse à faire un parallèle entre le scrutin de 1981 et celui de 2012. Même rejet du sortant (VGE et Sarkozy), même score (51,7 %), même lieu pour la fête (d'abord une ville de la France profonde – Château-Chinon pour Mitterrand, Tulle pour Hollande – puis la Bastille). Jusqu'au prénom identique... En 1981 comme aujourd'hui, il y a le même espoir d'une rupture avec une période marquées par les affaires et les scandales en tout genre. mai 1981,françois hollande,françois mitterrand

    Pour le reste, rien ne peut permettre une analogie entre les deux périodes. Le poids du parti communiste a été divisé par trois ou quatre (le score de Mélenchon ne doit pas induire en erreur sur la vraie influence du parti dirigé par Pierre Laurent). La mouvance écologiste, même affaiblie par le ratage de la candidature Joly, pèse réellement sur l'échiquier politique, ce qui remet en cause une certaine vision scientiste et souvent productiviste qui a été (est ?) celle de la gauche.

    Tout, ou presque, a changé

    De plus, la société n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était. Hier, elle était encore très « blanche », corsetée, structurée par la famille « classique », l'information circulait au mai 1981,françois hollande,françois mitterrandcompte-goutte et les traditions politiques familiales était une réalité rarement contestée. Aujourd'hui (il suffisait, pour s'en convaincre, de regarder l'assemblée à la Bastille), la société est très multicolore, très métissée, l'information (le meilleur comme le pire) circule plus vite que la lumière et une partie importante des citoyens ne sent pas appartenir à une famille politique.

    La relation au nouveau Président de la République n'est absolument pas la même : François M. était respecté, craint, haï parfois, il se situait (même si c'était fort discutable) dans la lignée des grandes figures de la gauche, de Jaurès à Blum ; François H. a deux « pères » en politique (Jacques Delors et Lionel Jospin), mais ne porte pas en lui, dans ses gênes, cette mystique de la politique. « Normal » a-t-il souhaité se définir et de ce point de vue-là, il l'est totalement. Personne n'aurait imaginé dire de Mitterrand, l'homme de Vichy puis de la Résistance, le politicien de la IVe République puis l'opposant à de Gaulle sous la Ve, le rassembleur de la gauche, qu'il était un homme « normal ».

    Périls en la demeure

    Si le nouveau président revendique une part de normalité, la situation qu'il va trouver dans quelques jourmai 1981,françois hollande,françois mitterrands est totalement exceptionnelle. L'Europe est menacée d'implosion, le couple franco-allemand risque d'aller dans les prochaines semaines, la zone euro craque de toutes parts, les « marchés » comme on dit sont aux aguets, prêts à sanctionner toute audace économique. Et puis ne parlons même du chômage qui pourrait s'envoler dans les prochains mois, de l'endettement qui pèse lourdement sur nos épaules et le spectre de la pauvreté qui plane sur des franges de plus en plus larges de la population française. Là encore, rien à voir avec la France qui sortait des 30 glorieuses et qui croyait en la reprise de la croissance...

    Fractures dans la carte électorale

    Sur le plan électoral, il faut regarder d'un peu plus près les résultats. L'écart, tout étant moins large que je l'avais prévu, est suffisamment confortable (1,15 million de voix) pour que le résultat ne souffre d'aucune contestation. Pour autant, les plus de 2 millions d'électeurs qui ont voté blanc ou nul montrent que la candidature Hollande n'a convaincu qu'une majorité relative d'électeurs. Dans certains départements très ouvriers et/ou ruraux où Marine Le Pen avait obtenu entre 20 et 25 % des suffrages, la proportion d'électeurs ayant voté blanc (comme la leader du FN) ou nul est impressionnante : 7 % à 8 % dans le Pas-de-Calais, dans l'Indre ou encore la Meuse. Certes, la moitié des électeurs du FN du premier tour s'est reporté sur le candidat sortant, mais Marine Le Pen, en encourageant officiellement à voter blanc et officieusement à choisir Hollande, a montré qu'elle pouvait contribuer à faitre chuter un candidat malgré (ou à cause de) sa propension à surfer sur les thèmes frontistes.

    La carte électorale dégage aussi un autre enseignement, inquiétant pour François Hollande. Il est largement élu dans la moitié ouest de la France (sur une ligne qui partirait de Dunkerque pour aller jusqu'à Perpignan) alors qu'à l'exception de quelques régions (les 5 départements les plus septentrionaux et un bout de Rhône-Alpes) il est largement battu dans la moitié Est là où la désindustrialisation et les nouveaux flux de population sont les plus importants. Deux pays se font face qu'on peut résumer ainsi (de façon volontairement caricaturale).

    Les deux France

    D'un côté, une France tempérée, de tradition radicale-socialiste (le Sud-Ouest) ou démocrate-chrétienne (l'Ouest) où le style mesuré et tout en rondeurs de Hollande a bien fonctionné et où la vie associative est très dense. Toute la Bretagne a plébiscité Hollande qui obtient 56 % des suffrages.

    De l'autre, une France, parfois pauvre, parfois prospère, très inquiète des audaces de François Hollande et des conséquences de l'ouverture des frontières. Les 57 % obtenus par Sarkozy en PACA prouvent que le peuple de droite ne s'est pas disloqué malgré les violentes critiques qu'a rencontrées le candidat sortant. A cette coupure géographique très nette, s'ajoute une autre fracture, entre des grandes villes (toutes, sauf Nice, acquises à Hollande) et des petites villes et espaces ruraux majoritairement sarkozystes. La situation de Paris est, à cet égard, symptomatique : en 2007, Sarkozy disposait d'une très courte avancé alors que cette fois, il est distancé de 11 points (+ 110 000 voix de différence).

    Donc, François Hollande va devoir reconquérir des pans de la population qui n'ont plus vraiment confiance dans la politique ou sont paralysés par des peurs (fondées ou non) à partir desquels ils développent parfois un discours séparatiste (« on reste entre nous »). La difficulté du socialiste, c'est qu'il a été élu par une frange très urbaine, globalement plus favorisée que la moyenne et qui, elle aussi, a de plus en plus de mal à comprendre cette autre France, plus frileuse. A la lecture de ce constat assez implacable, on comprendra pourquoi il est difficile de sombrer dans la douce nostalgie de Mai 81. Un temps qui, malgré les clins d'oeil de l'histoire, n'existe plus.

     

    (1) Coïncidence totale : ce post d'après élection est le 100e du blog que j'ai créé voici trois ans, le 10 mai 2009. De mois en mois, de plus en plus de visiteurs consultent ce blog (en moyenne près de 3000 visites mensuelles depuis juin 2011). Que chacun soit remercié de l'intérêt porté à ce travail (plaisir) de déchiffrage des enjeux politiques. Alternance ou pas, le propos de ce blog ne changera pas et la liberté de ton s'exercera également sur le nouveau pouvoir. En appliquant la maxime bien connue : qui aime bien, châtie bien !